De nombreux Islandais sont convaincus de l’existence des elfes et de très nombreuses rencontres sont rapportées chaque année à travers tout le pays. Ces personnages mythiques du folklore national (elfes mais aussi fées, trolls, fantômes,…) sont toujours bien présents dans la culture populaire et la croyance que ce « petit peuple » se tient encore tapis entre les rochers et forêts du pays à même conduit des plans de route et de logement à être modifiés pour éviter les sites qui leurs sont associés. On trouve même aujourd’hui une carte particulièrement détaillée qui recense chacun de ces lieux.
La carte interactive se trouve ici. Vous pouvez zoomer et cliquer sur chacun des points pour avoir un descriptif du conte qui s’y rapporte (de bonnes bases en islandais sont par contre recommandées…).
Cette carte est le fruit d’un gros travail de synthèse et de collection des légendes populaires islandaises qui a commencé en 1999. L’initiateur de cette base de données est Terry Gunnell, professeur à l’université d’Islande. C’est donc le huldufólk (peuple caché) qui est mis à l’honneur dans ce travail impressionnant : il suffit de zoomer sur la carte pour s’en rendre compte, la densité des points d’observation étant assez exceptionnelle, les contes et légendes du pays couvrant la quasi-totalité du paysage sous-peuplé (en humain) de l’île.
L’hiver dernier une large portion de ses terres isolées faisait la une des journaux nationaux lorsque de nombreuses personnalités (dont la chanteuse Bjork) militaient pour la création d’un nouveau parc national qui couvrirai 40% du pays ! Cette vaste région déserte (tout du moins en êtres humains) et qui constitue les Highlands islandaises, dominés par les glaciers et déserts volcaniques, est parsemés de petites oasis mais on y rencontre quasiment aucun habitant humain.
La proximité de ces paysages sombres et sauvages peut, peut-être, expliquer la propension des islandais à croire en la présence des peuples surnaturels. Les islandais ne sont en effet pas plus crédules que les autres (voir même plutôt moins puisque 0% des moins de 25 ans pensent que Dieu est à l’origine du monde mais ils ont longtemps vécu sur une île isolée ou les grands espaces et les paysages sauvages ont forgés une complicité avec les éléments naturels.
Les contes populaires représentés sur cette carte sont, en revanche, tout à fait humains dans leurs préoccupations. Ces histoires du folklore n’étaient autres que des véhicules pour les préoccupations quotidiennes (faim, sexe, jalousie,…) grimées en formes surnaturelles. Selon Terry Gunnel, les elfes sont des sortes d’image miroir de ces humains qui les ont créés, sauf qu’ils étaient beaux, puissants, séduisants et libres, alors que les Islandais étaient souvent affamés et luttant pour subsister. Ces huldufólk représentent donc à bien des égards les rêves Islandais d’une existence parfaite et heureuse…
On peut également voir dans cette profusion de contes et de croyances le symbole d’un peuple qui essai de vivre en harmonie (ou au moins de se réconcilier) avec un environnement naturel difficile. Les elfes font même dans ce folklore, partie intégrante du paysage : par exemple, dans un des contes un elfe remercie un pécheur d’avoir empêché son équipage de jeter des pierres sur un rocher sous lequel son fils dormait, lui sauvant ainsi la vie. Dans un autre conte une femme qui nettoyait des vêtements sur un rocher est récompensée d’un verre de babeurre par un elfe car elle a en même temps nettoyé la maison de ce dernier. Il est facile de lire dans ces histoires comme des exhortations à traiter le paysage avec respect.
C’est de cette conception du monde qu’est née l’idée de couvrir quasiment la moitié du pays d’un nouveau parc naturel. L’intérieur de l’Islande est peut-être inhospitalière et quasi lunaire en apparence, mais depuis des siècles, ce fut un terreau fertile pour l’imagination qui voit dans ce paysage volcanique une source de vie. Modifier le tracé d’une route pour contourner une pierre féérique réputée peut sembler un peu ridicule, mais la volonté sous-jacente, faite de respect et de tolérance, de pondérer les besoins humains avec ceux de son environnement est un exemple à méditer…
Ci-dessous le très beau tableau « la danse des elfes » d’August Malmstöm (1866) qui nous rappelle qu’avant Tolkien les elfes n’avaient pas forcément des oreilles pointues, un short vert et un arc dans le dos…
Note (une histoire que j’aime bien sur l’origine des elfes et autres peuples féériques) : une ancienne légende islandaise, christianisée, raconte que les elfes et les fées seraient à l’origine les enfants d’Ève. Cette dernière était en train de les baigner quand Dieu l’appela. Inquiète, elle cacha alors ceux des enfants qui n’étaient pas encore propres. Dieu rendit alors les enfants invisibles car ce qui lui était dissimulé le serait désormais également aux hommes.
Sources : www.citylab.com, www.sagnagrunnur.com
Guillaume Sciaux – Cartographe indépendant.
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