Pokemon Go, le jeu mobile qui est en passe de conquérir le monde est l’héritier d’un jeu avant-gardiste utilisant les outils de cartographie de Google.
Au cours des dernières semaines le jeu smartphone a conquis le monde entier en faisant même figure de nouvel eldorado. Un signe de cet état de grâce, et non des moindres : le 10 juillet les requêtes internet pour le jeu ont été plus nombreuses que pour la pornographie en ligne… Ce qui constitue un joli record quand on sait que le porno capte habituellement la majeure partie des recherches du web… Beau joueur, le géant américain Youporn a même salué cet exploit sur son compte twitter (sachant bien qu’il allait rapidement reprendre sa couronne).
Pokemon Go déchaîne donc les passions et les joueurs du monde entier s’empressent tous les jours d’attraper ces gentils monstres dans le métro, dans la rue, au resto ou au boulot.
Un cartographe à l’origine du projet
C’est Niantic, une start-up de la Silicon Valley, qui a développé Pokémon Go. Elle est également à l’origine de la technologie de cartographie qui permet au jeu d’ajouter une couche de créatures numériques dans le monde réel (ce qu’on appelle plus communément la réalité augmentée). La cartographie a longtemps été une spécialité de John Hanke, PDG de la société, qui a aidé à jeter les bases de Google Earth et Google map avec son ancienne compagnie Keyhole (rachetée par Google en 2004). Hanke, joueur de longue date et cartographe, a fait de la cartographie en temps réel et en réalité augmenté un de ses leitmotivs lorsqu’il a lancé la startup Niantic il y a 6 ans.
« Il est agréable d’être un globe-trotter de canapé avec Google Earth, mais je suis aujourd’hui focalisé sur la manière de transférer cette expérience au mobile pour rendre plus accessible la découverte de nouveaux lieux», dit Hanke. En utilisant le GPS des smartphones afin d’encourager les joueurs à se rassembler dans certains endroits (pour chercher des Pokémon) Niantic déloge les geeks de leurs canapés. « Notre intention, » dit-il, « était que les gens prennent conscience de leur environnement, accidentellement ». Il ne croit pas si bien dire au vu des scènes étonnantes, drôles ou dangereuses qui se multiplient depuis que la vague Pokémon Go a déferlée… (Cf les quelques exemples en fin d’article).
L’ancêtre Ingress
Ingress, le premier jeu de Niantic (sorti en 2012), était basé sur les mêmes mécaniques de cartographie en réalité augmentée mais dans une ambiance beaucoup plus science-fiction et plus adulte. Les joueurs devaient choisir un des deux clans s’affrontant autour de monuments du monde réel en s’y réunissant pour les capturer, les défendre ou les reprendre à l’équipe adverse. Un peu comme un classique jeu de capture de drapeaux. Contrairement à son petit frère ce jeu gratuit a connu un succès assez modeste avec environ 1 millions d’utilisateurs actifs.
La cartographie au service d’un succès inédit
Le succès de Pokémon Go est d’un tout autre niveau: il vient tout juste d’entrer dans le livre Guinness des records en battant le record du jeu mobile le plus téléchargé durant son premier mois d’existence, avec plus de 130 millions de téléchargements. Il s’est d’ailleurs retrouvé à la première place des téléchargements d’application dans plus de 70 pays ! Le jeu fonctionne sur le modèle du Free to play qui consiste en une utilisation gratuite mais avec force propositions d’achat de bonus et aides de jeu. Une sorte de « gratuité avec option d’achats ». Selon Hanke, Niantic prévoit également de faire du sponsoring en permettant à des magasins de payer pour devenir des Pokestops (lieux où les joueurs peuvent recueillir des objets du jeu).
Un des atouts du jeu (en plus de réussir à faire sortir des hordes de geeks aux yeux rouges et au teint pâle dans le monde réel) est sa grande précision cartographique. Le smartphone et sa fonction de géolocalisation sont en effet mis à rude épreuve et permettent aux concepteurs de placer ces petits êtres à attraper en fonction de leur « milieu naturel » et de leurs « habitudes », sur l’intégralité du globe. C’est ainsi que « Beaucoup de Fantominus, des Pokémons fantômes, rôdent autour du Cimetière du Père-Lachaise », note Matthieu Castel, responsable du site Pokémon France. « New York est infesté de Smogos, qui ont un penchant pour la pollution. Et nous avons, comme par hasard, découvert un Stari place de l’Étoile… », explique-t-il au Figaro.
Le futur du jeu vidéo
Pour Hanke, la préoccupation de Niantic a toujours été sa technologie sous-jacente et non le jeu qui l’utilise. Le raz de marée Pokemon Go a d’ailleurs déjà attiré de nombreux partenaires intéressés par son logiciel de cartographie pour l’implémenter dans leurs propres projets. « Peut-être souhaitez-vous créer un jeu de vampires dans le monde réel basé sur des guerres de clans de vampires » dit-il « pour ce faire vous pourriez investir dans la reconstruction de notre technologie et de nos données, ce qui nécessiterait de très importantes ressources en recherche et développement, ou alors vous pourriez utiliser notre plateforme… ». Il est malin Hanke.
Pendant ce temps la popularité de la Pokémania ne montre pas le moindre signe d’essoufflement. Comme l’auteur du jeu le fait justement remarquer il est très difficile d’en voir le bout et de terminer le jeu puisque si vous souhaitez un nouveau terrain de jeu il vous suffit d’aller faire un tour dans la ville d’à côté.
Il faudra tout de même voir dans quelques mois si les colonies de fans trouvent toujours le jeu aussi amusant par températures hivernales…
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PS : quelques exemples originaux de dérives liées à une utilisation un peu disproportionné de Pokemon Go :
- À New York, un conducteur qui jouait au volant à fini dans un arbre. A voir la photo publiée par la police il allait assez vite… Même mésaventure au Luxembourg ou un autre dresseur (c’est ainsi qu’on appelle les joueurs de Pokemon) conducteur a percuté plusieurs autres voitures et a fini en tonneau…
- Les conducteurs ne sont pas toujours responsables puisqu’à Pittsburg, en Pennsylvanie, une adolescente qui traversait un boulevard en courant après un Pokémon a été percutée par une voiture…
Encore plus fort ;
- Deux joueurs californiens sont tombés d’une falaise faute d’avoir levé les yeux de leur smartphone…
- En Floride un homme qui croyait à un cambriolage a tiré sur deux adolescents chassant le Pokemon devant chez lui…
- Un Pokefan de Forest Grove, dans l’Oregon, qui a été agressé et poignardé au coin d’une rue, a refusé des soins médicaux pour pouvoir continuer à jouer…
Et ce ne sont que quelques exemples parmi les nombreux hauts faits des pokefans!
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Sources : www.bloomberg.com, www.lefigaro.fr, www.20minutes.fr
Guillaume Sciaux – Cartographe indépendant.
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