C’est en 1830 qu’Edward Quin publie cet atlas cartographique du monde connu (de son nom complet « Atlas historique en une série de cartes du monde tel qu’il était connu à différentes périodes, avec un récit historique »). Cette collection de 21 gravures est atypique par sa représentation de « l’inconnu à travers les âges » sous la forme de nuages spectaculaires qui se dissipent lentement au fil des périodes historiques. Ce procédé particulièrement original à l’époque est aujourd’hui bien connu des adeptes de jeux-vidéo qui découvrent les mondes nouveaux, au fur et à mesure de l’exploration.
Un Gif animé des différentes planches de l’atlas :
Les cartes de cet atlas représentent ainsi la géographie telle qu’elle était perçue à l’époque :
- la première de ces cartes révèle la période qui va de la création de l’Eden originel au déluge biblique, qui a apparemment eu lieu en 2348 av. J.-C… (Les non créationnistes auront compris que l’auteur, comme ses contemporains, interprète ici littéralement la bible).
- La dernière carte représente quant à elle la période qui va de « la plus grande extension de l’Empire français » (Napoléonien) en 1811 apr. J.-C., jusqu’à « la fin de la paix générale » en 1828 (je ne sais pas trop à quoi il est fait référence ici, peut-être à la guerre Russo-ottomane de cette époque).
Si on s’éloigne de la forme qui est étonnante, le fond (les faits historiques traités) n’est pas particulièrement original pour l’époque et emprunte largement à la tradition géographique occidentale : les limites du monde connu étaient donc celles des grecs, romains et Européens. Les Aztèques, Egyptiens et Chinois ayant certainement des points de vues assez différents, et beaucoup moins « européanno-centrés… C’est exactement ce que le géographe James M. Blaunt appelle « l’histoire tunnel » :
«C’est l’idée que le Monde a un intérieur et un extérieur. Jusqu’à présent, l’histoire mondiale a été, pour l’essentiel, l’histoire de l’intérieur. L’extérieur a été, généralement, considéré comme sans importance. L’histoire et la géographie historique, telles qu’elles ont été enseignées, écrites et pensées par les Européens jusqu’à l’époque de la Seconde Guerre mondiale, et encore (…) à bien des égards aujourd’hui, se situent, en quelque sorte, dans un tunnel de temps.»
Un concept encore aujourd’hui largement d’actualité… Pour s’en convaincre il suffit d’ouvrir un manuel scolaire et de mesurer la part accordée aux civilisations non-européennes ou simplement de suivre la majorité des journaux télévisés dont les actualités ne franchissent que rarement les frontières nationales…
En guise de conclusion, ces quelques lignes de l’excellent blog « Histoire globale« , au sujet de l’histoire tunnel :
On prend alors conscience de l’ampleur de la tâche pour ceux qui voudraient renouveler l’enseignement de l’histoire en France, ouvrir les fenêtres et y faire entrer un peu de globalité ; et pas seulement par l’extrémité du temps présent : la mondialisation est un processus beaucoup plus ancien et les intrications des sociétés, multiséculaires. L’histoire globale se doit de dissiper ces nuages qui continuent d’obscurcir notre vision pour permettre la « déclosion du monde » [Achille Mbembe, 2010].
Les planches une par une :
Les légendes détaillées et en français sont disponibles ici.
Sources : www.laboiteverte.fr, www.histoireglobale.com, www.slate.com
Guillaume Sciaux – Cartographe indépendant.
Connu par les occidentaux, bien sûr. Évitons de généraliser.
Oui bien sûr, comme je le dit dans le texte les limites du monde connu étaient donc celles des grecs, romains et Européens. Les Aztèques, Egyptiens et Chinois ayant certainement des points de vues assez différents, et beaucoup moins “européanno-centrés…