Guy Laramée est un artiste multi faces qui, pendant 30 ans, a exercé son art comme auteur de théâtre, metteur en scène, compositeur, luthier, chanteur, peintre. C’est à son talent de sculpteur que l’on rend hommage aujourd’hui à travers ses incroyables séries de sculptures de livres« the great wall » et « Biblio ». Il y modèle les pages de livres anciens pour révéler des montagnes sereines, des plateaux tranquilles et des plaines imperturbables.
Je reconnais que les travaux de Guy Laramée ne correspondent pas exactement à la notion que l’on peut avoir de la cartographie mais ils en ont tout de même, ici, les atours. A savoir : une représentation de l’espace et des territoires. Le support étant ici le livre sculpté.
Selon l’auteur, ses travaux font référence à l’érosion des cultures et de la culture dans son ensemble. La mort programmée du livre papier et la disparition des bibliothèques sont alors des stigmates de la domination actuelle de la connaissance analytique sur la connaissance intuitive. Malgré les apparences, notre obsession actuelle pour changer les formes dans lesquelles nous accédons à la culture n’est donc qu’une manifestation de notre fascination pour le progrès. Alors il sculpte des livres et peint des paysages romantiques.
Les montages sont d’ailleurs d’excellentes métaphores de cette utilisation de la connaissance ; Elles s’érodent progressivement et se transforment en collines. Ces collines s’aplatissent et deviennent de vastes plaines à la placidité apparente. Dans le même ordre d’idée les piles d’encyclopédies obsolètes reviennent à celui qui éprouve le besoin de « savoir » sans forcément « dire ». Celui qui « est » tout simplement.
La dernière série de sculptures de livres de l’auteur participe de la même conception de l’évolution et s’intitule sobrement «Onde Elles Moran » (Où ils vivent). L’auteur parvient comme d’habitude à y retranscrire toute la beauté des paysages naturels en y incluant cette fois la symbolique des oiseaux indigènes de la région brésilienne Serra do Corvo Branco.
Ce sont ici 9 tomes d’une série de classiques de la littérature brésilienne « Classicos Jackson ». Des portraits d’oiseaux sont peints sur leur couverture et dans les pages intérieures sont sculptés les paysages de leur habitat naturel.
Je dois avouer que la beauté plastique des travaux de Guy Laramée me touche beaucoup. J’adhère par contre un peu moins à sa vision passablement pessimiste et un peu « old school » de la culture de notre temps. Si elle est en danger je ne pense pas que ce soit une affaire de support et que les nouvelles technologies plus que le livre soient à l’origine de tous les maux.
Il me semble par contre être dans le vrai quand il dit que c’est « dans la solitude des paysages vierges, [que] nous pourrions redécouvrir nos relations intimes avec le monde. »
Sources : www.thisiscolossal.com, www.touch-arts.com, www.laboiteverte.fr
Guillaume Sciaux – Cartographe indépendant.
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